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ExpatEspagne
1 septembre 2007

A la recherche de l'ordonnance ...

... ou le parcours de la combattante.

Pour faire suite à l'article de Maïlis sur le Système de Santé espagnole et afin d'illustrer son propos, je vous invite à lire Jours 202-204 - "Do you speak english?", qu'avait publié sur son blog de Stéphanie :

"Mission du moment : trouver une boîte de mon médicament anti-épileptique*. Précisions : au bon dosage et en n’en payant qu’une partie (car plein pot c’est 500 balles, en tout cas en France…).

Mercredi, 19 h. Je pousse la porte de la pharmacie, « gling » « gling », et m’approche de la dame blonde. Pas de chichi, je pose direct l’ordonnance française sur le comptoir transparent et rentre dans le vif du sujet : « Buenas tardes, soy francesa y tengo epilepsia » (Je suis française et je fais de l’épilepsie !!) Son sourire m’indique de continuer. Je m’exécute : « Vivo y trabajo aquí desde hace 6 meses. Estuve de vacaciones en Francia este verano y vi a mi médico. Me hizo eso (je montre l’ordonnance). ¿ Puedo tener este medicamento aquí ?** » Réponse : si tu payes 55 euros, oui ; si tu veux payer moins, non… Je choisis l’option « payer moins ». Commence alors la 2e étape.

Jeudi, 10 h. Après une bonne demi-heure de marche, j’arrive au centro de salud de mon quartier (je constate au passage que la taille des quartiers madrilènes n’a rien à voir avec celle des quartiers aurillacois…). J’ai de la chance : personne devant moi. Une nana brune et bronzée à lunettes blanches attend derrière sa vitre, dans un coin du vaste hall en forme de cercle autour duquel s’étalent les salles de consultation. Je me lance dans le même topo qu’à la pharmacie en changeant toutefois la phrase de fin : "Necesito ver a un médico para que me haga la receta." (« J’ai besoin de voir un médecin pour qu’il me fasse l’ordonnance ») Ma phrase à peine terminée, elle me répond d’une voix lasse : "¿Tiene la tarjeta sanitaria? (« Vous avez la carte sanitaire » ?)

  • "¿Qué? Euh… ¡no!"

  Je déballe mon dossier, lui tends mon passeport et une feuille avec mon numéro de sécu. Nouvelle question : "¿Tiene el empadronamiento? (« Vous avez l’empadronamiento ? »)

  • "¿Qué? ¿Qué es eso?" (« Quoi ? C’est quoi ça ? »)

  Troisième étape : me faire recenser (la nana m’explique que l’empadronamiento, c’est le recensement) pour apporter une preuve que j’habite bien dans le quartier et donc que je dépends bien de ce centre de santé.

  10 h 45. Je rentre chez moi pour appeler la mairie.

  11 h 30. Après une bonne demi-heure de marche, j’arrive à l’antenne de mon quartier. Sur la porte, je vois écrit : certificado de empadronamiento. C’est bien là, ouf ! Sur ce, je déclare à l’accueil que je veux un certificado de empadronamiento. La nana me donne un petit ticket (ça faisait longtemps…) : J 052. Je rejoins le troupeau qui attend devant le panneau électronique. Les numéros défilent et je me retrouve bientôt devant une fille avec des longs cheveux gris tout secs, genre toile d’araignée, décorés de petites barrettes multicolores… Soit. Je commence mon laïus, puis elle me regarde par-dessus ses lunettes et me dit un truc que je ne comprends absolument pas. Visiblement, ça ne lui plaît pas. Elle durcit le regard, prend quelques secondes pour bien m’examiner, puis répète. Je ne comprends qu’une seule chose : elle ne peut pas me donner le document. "¿Que tengo que hacer entonces?" (« Qu’est-ce que je dois faire alors ? ») En guise de réponse, elle lâche avec un air mi-dépité, mi-méprisant, la phrase, ou plutôt the phrase à ne pas prononcer : "Do you speak english ?" Là, je dois dire que ma fierté en prend un coup ! Je jette un œil à mon petit ticket en me disant : je vais te le faire bouffer ! Ma colère intérieure ne change malheureusement rien au résultat : me revoilà à l’accueil car ça y est, j’ai compris, ce n’est pas le certificado de empadronamiento qu’il me faut, mais l’empadronamiento tout court…

  11 h 45. La dame me donne le ticket P 031. Retour au milieu du troupeau. Le P 026 reste scotché au panneau lumineux. J’ouvre mon bouquin spécial « salle d’attente », à savoir l’Histoire de la Méditerranée attaquée le 6 février dernier sur une chaise de l’INEM.

  12 h 10. Ça y est c’est mon tour ! Je donne mon passeport en souriant à une nouvelle dame. Sa main reste tendue. "Me falta algo" (« Il me manque quelque chose »). "¿Qué?" Un justificatif de domicile. Je m’énerve en français : « Non putain ! Mais merde, j’ai téléphoné ! » Je me reprends et tente de poursuivre en espagnol : "He llamado al ayuntamiento, me han dicho que el pasaporte era suficiente." (« J’ai téléphoné à la mairie, ils m’ont dit que le passeport était suffisant ») Je lis alors sur son visage : « Tu me prends pour une conne ? » En même temps, effectivement, ça paraît évident de devoir apporter un justificatif de domicile pour se faire recenser… Elle me dit que je n’ai pas pu téléphoner ici car ils ne prennent pas les appels. Je m’énerve parce que si, j’ai appelé quelqu’un de la mairie, dans cette antenne ou dans une autre, j’en sais rien, mais j’ai appelé à la mairie ! Elle se radoucit, me demande où j’habite et cherche sur son ordinateur. "No encuentro la calle." (« Je ne trouve pas la rue ») Elle insiste, me demande si j’habite bien dans une rue, pas dans un passage ou sur une place. Je dis que c’est bien une rue tout en ayant subitement l’envie de lui faire bouffer mon ticket à elle aussi. Elle ne trouve toujours rien. Je me casse après qu’elle m’ait précisé que je pouvais revenir demain à partir de 9 h avec mon justificatif.

  Vendredi, 8 h 45. J’ouvre mon livre à quelques mètres de la porte. Il y a déjà cinq personnes devant moi.

  9 h 02. Accueil, nouvelle dame, nouveau ticket. P 002.

  9 h 15. Les T et les J défilent. Le P 001, quant à lui, est toujours assis. Je rouvre mon livre.

  9 h 20. Nouveau guichet. Je tends mon passeport et ma facture de téléphone. Bizarrement, le monsieur trouve ma rue du premier coup.

  9 h 22. Je ressors avec mon empadronamiento.

  Métro.

  10 h. Retour au centro de salud. Aujourd’hui, la file est longue, mais, bonne surprise, deux guichets sont ouverts.

  10 h 05. C’est mon tour, je tombe sur le mauvais. « C’est à côté pour la carte ».

  10 h 20. Je retrouve la fille aux lunettes blanches et lui donne mes papiers. Elle me demande si je travaille, puis si en général je préfère voir le médecin le matin ou l’après-midi.

  10 h 30. Elle me tend une feuille qui fera office de tarjeta sanitaria (« carte sanitaire ») en attendant que je reçoive cette dernière (soit dans deux ou trois mois). Sur ce, elle me dit au revoir. Non madame, au revoir c’est pour plus tard ! Je lui demande, parce qu’à la base je suis quand même venue pour ça, si je peux prendre un rendez-vous. « Votre médecin est en vacances en ce moment. Vous attendez son retour ou vous voyez son remplaçant ?

  • Son remplaçant.

  • Très bien, aujourd’hui, 17 h 15. Salle 128, au premier étage. »

  17 h 11. J’arrive à l’entrée du couloir intitulé salas 125-128. Un long couloir blanc avec à gauche les portes alignées et en face les chaises en fer : la pâleur, le dénuement et l’ambiance morne des couloirs d’hôpital. Quelques personnes solitaires attendent en silence. Pas de petite musique d’ambiance, de magazines, de secrétaires. Rien. Je marque un temps d’arrêt pour contempler le tableau puis avance lentement. L’une des portes est ouverte. J’aperçois une pièce minuscule, séparée en deux, au fond : un « lit » noir en partie recouvert d’un drap vert froissé, devant : un bureau bordélique et un homme assis, la tête baissée. Pas de médecin. Je continue jusqu’au fond, ma salle étant la dernière, et m’assois. Cet endroit me paralyse, je n’arrive pas à décrocher mes yeux de ces murs blancs crasseux, de ces gens qui paraissent si tristes, de ces portes rouges, avec écrit à côté de chacune d’elle leur numéro et le nom de deux médecins, celui du matin et celui de l’après-midi.

  17 h 14. Une porte s’ouvre. Un papy avec des béquilles et une jambe plâtrée sort et part en silence, seul. Les poignées de main chaleureuses et les petits mots gentils de nos médecins de famille français sont bien loin, tout comme les salles d’attente confortables, avec piles de revues, sièges rembourrés, voire même radio et tableaux au mur…

  17 h 17. Trois « bips », forts et saccadés, me crient dans les oreilles. Je sursaute, me retourne, regarde les visages impassibles autour de moi pour essayer de comprendre. Une voix de femme monocorde annonce au micro : "José Rodriguez Lopez". Pour conclure, on a droit à un petit jingle style SNCF. Un homme se lève alors comme un robot et ouvre la porte de la salle 126.

  17 h 19. Les trois mêmes « bips » qui me font une nouvelle fois sursauter. "Javier Sanz Caballero". L’individu en question part dans la salle 128. Bon, j’en ai bien pour un quart d’heure. Je sors mon livre.

  17 h 24. Une porte se ferme. Je lève les yeux : Javier vient de terminer. Je range mes affaires vite fait et me concentre : « Maintenant, ça va être à toi ! ». Deux secondes plus tard : « BIP » « BIP » « BIP » "Estéfani Langlaïsse". Je me lève illico en lâchant : « Où je suis putain ? ! »

  17 h 28. Fin de la visite. J’ai mon ordonnance ! ".

Je tenais à remercier Stéphanie pour m'avoir très gentillement envoyé le texte complet de son article, afin que vous puissiez en profiter. Pour info, elle va bientôt publier un livre sur son expérience madrilène où vous pourrez lire toutes ses aventures. 

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